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Avr 15

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Matteo Renzi, le cheval de Troie de JP Morgan

Un diner pour décider, un autre pour confirmer les décisions. Premier juin 2012. Premier avril 2014. Les deux mêmes protagonistes : le président du conseil italien, Matteo Renzi, et l’ex-premier ministre britannique Tony Blair. Un troisième (venu avec ses représentants) : l’organisateur et véritable bénéficiaire de ces réunions, la banque d’affaires JP Morgan. Le quotidien britannique Daily Mirror écrit :

« Renzi est le Blair italien, pas seulement dans les intentions politiques, mais aussi par ses alliances économiques. Un exemple ? La banque JP Morgan. »

Réforme des provinces, du Sénat, du travail, de l’administration publique, de la Justice, du Conseil des ministres, ou encore, réforme électorale. La Constitution italienne, celle votée après la victoire sur le fascisme et la fin de la Seconde Guerre mondiale, celle inventée pour interdire tout revirement autoritaire dans le pays, est sur le point d’être bouleversée. Ainsi en a décidé le nouveau Président du Conseil, Matteo Renzi. C’est ce qu’a suggéré la banque JP Morgan.

Voyons les faits. Le 1er juin 2012, la banque d’affaires américaine organise un diner au Palais Corsini à Florence. Le maitre de maison, Jamie Dimon (administrateur délégué de JP Morgan) invite le maire de la ville à l’époque, matteo Renzi, et l’ex-premier ministre, depuis quatre ans consultant spécial de la banque, Tony Blair. Le 1er avril 2014, le diner se déplace outre-Manche. Cette fois les honneurs de la maison sont faits par l’ambassadeur italien à Londres, Pasquale Terracciano. Durant le repas à base de poisson, Tony Blair et Renzi parlent en privé.

Le lendemain, Blair donne une interview au journal La Repubblica dans laquelle il affirme :

« Les moments de grave crise sont aussi ceux des grandes opportunités. En temps normal, il serait difficile pour quiconque de réaliser un programme ambitieux comme celui dessiné par le nouveau premier ministre italien. Mais l’Italie ne traverse pas une période normale. Renzi comprend parfaitement le défi qu’il a face à lui. S’il se contente de petits pas, il risquer de perdre l’élan positif avec lequel il a démarré. C’est pour cela qu’il y a une cohérence entre son programme de réformes constitutionnelles et les réformes structurelles pour relancer l’économie. Et la crise peut lui donner cette opportunité pour accomplir ces changements qui sont nécessaires à son pays, mais qui jusqu’ici n’ont pas été faits à cause de la résistance des lobbies et d’intérêts particuliers. »

Et encore :

« D’après moi, il convient de dimensionner correctement trois éléments : la réduction des déficits, qui est essentielle ; les réformes nécessaires pour changer la politique économique ; et la croissance non seulement pour générer des emplois, mais aussi pour amener davantage d’argent dans les finances publiques. Pour accomplir tout cela, il n’est pas utile de faire s’affronter la gauche et la droite, mais plutôt la chose juste contre la chose erronée, ou encore, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Si la réduction des déficits est trop rapide, la croissance ne repartira pas. Mais si l’on ne procède pas aux réformes nécessaires, le déficit ne diminuera pas. Et cela, il me semble que Renzi l’a parfaitement compris. »

Lors d’une autre interview donnée au quotidien britannique The Times, Tony Blair ajoute :

« La métamorphose cruciale, celle des institutions politiques, n’a pas encore commencé. Le test-clef sera l’Italie : le gouvernement a l’opportunité concrète de procéder à des réformes significatives. »

Récapitulons : Blair a renouvellé son soutien à Renzi sur les réformes à mettre en place. Mais comme nous l’avons rappelé, ce n’est plus le politique qui parle. Aujourd’hui, l’ex-leader des travaillistes touche un salaire de plusieurs millions de dollars par an comme consultant d’une des plus importantes banques d’affaires au monde (deuxième derrière Goldman Sachs), laquelle a été accusée formellement par la Maison-Blanche d’être la « responsable de la crise des subprimes » qui a par la suite évolué en crise économique mondiale.
Joseph Stiglitz, le fameux économiste américain, a écrit :

« Les banques d’affaires se servent de consultants exactement comme la maçonnerie utilise ses propres membres. Les consultants mettent de l’huile dans les engrenages de la politique, ils rapprochent les hommes politiques qui comptent et les banques appropriées, et leur font l’éloge des politiques complaisantes et correspondant à celles indiquées par les banques. »

Qu’entend-on exactement par « politiques complaisantes et correspondant à celles indiquées par les banques » ? Le 28 mai 2013, JP Morgan a rédigé un document de seize pages intitulé "Ajustements dans la zone euro". Après l’introduction où il est déjà fait référence à la nécessité d’intervenir politiquement  au niveau local, on arrive pages 12 et 13 à la Constitution des Pays européens, avec un chapitre consacré tout particulièrement à leur origine et à leur contenu :

« Quand la crise a commencé, l’idée selon laquelle ces limites intrinsèques sont de nature strictement économique était largement répandue. Mais avec le temps, il est devenu clair qu’il existe également des limites de nature politique. Les systèmes politiques des pays du Sud, et en particulier leurs Constitutions, adoptées après la chute du fascisme, présentent toute une série de caractéristiques qui apparaissent comme inaptes à favoriser une plus grande intégration dans la zone européenne. »

« Les problèmes économiques de l’Europe sont dus au fait que les systèmes politiques de la périphérie méridionale ont été instaurés suite à la chute de dictatures, et sont restés marqués par cette expérience. Les Constitutions affichent une forte influence des idées socialistes, et en cela, elles reflètent la grande force politique atteinte par les partis de gauche après la défaite du fascisme, » poursuit la banque d’affaires.

Plus loin dans le même document, le propos se fait plus précis encore :

« Les systèmes politiques et constitutionnels des pays du Sud présentent le caractéristiques suivantes : des exécutifs faibles vis-à-vis des parlements, des gouvernements centraux faibles par rapport aux régions, la protection constitutionnelle des droits du travailleur, des techniques de construction du consensus fondées sur le clientélisme, le droit de protester si les changements sont indésirables. La crise a illustré les conséquences auxquelles ces caractéristiques peuvent amener. Les pays de la périphérie ont obtenu des succès seulement partiels sur le chemin des réformes économiques et fiscales, et nous avons vu que les exécutifs étaient limités dans leurs actions par les constitutions (Portugal), par les autorités locales (Espagne), et par le succès croissant des partis populistes (Italie et Grèce). »

En résumé, la banque JP Morgan nous dit ceci : libérez-vous au plus vite de vos constitutions antifascistes.

« L’idée d’un État où les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires appartiennent à des organes différents et que nous sommes tous égaux devant la loi commence a être mal vue par les classes dominantes en ce XXIe siècle. Ce sont surtout les Constitutions nées de la résistance qui sont mal vues. En particulier celles des pays du Sud de l’Europe : Italie, Grèce, Espagne, Portugal, » dénonce le juriste Franco Cordero.

Pour l’économiste Emiliano Brancaccio : « Plus le pouvoir du Parlement est grand, plus il est difficile de redimensionner l’État social. Une orientation inverse vise au contraire à redistribuer le revenu en favorisant le profit et les revenus, et certainement pas à une modernisation du pays. Dans la Constitution italienne comme dans toutes celles "antifascistes", existent des règles qui prévoient la protection de la propriété privée, laquelle peut être expropriée pour des raisons d’utilité publique. Les institutions financières ont souvent intérêt à réaliser des acquisitions de capitaux nationaux à l’étranger, et elles ont donc intérêt à garantir que la propriété du sujet étranger qui fait l’acquisition est totalement protégée. Avec ces Constitutions, le sujet étranger qui acquiert souvent à prix cassés les capitaux nationaux de pays en difficulté n’est pas totalement protégé, car il pourrait être exproprié. Derrière le mot magique "modernisation", souvent prononcé par JP Morgan, se cache donc la protection des intérêts de ceux qui voudraient venir faire leur shopping bon marché en Italie et dans les autres pays périphériques de l’Union européenne. »

L’ex-Chancellier allemand social-démocrate Willy Brandt a écrit : « Il faut corriger la démocratie en osant davantage de démocratie. »

Franco Fracassi
Jeudi 10 avril 2014, 22 h 58
popoff.globalist.it

Traduction : IlFattoQuotidiano.fr

 

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  1. Vos infos, news, liens (et autres…) du 28 Juin 2016 (+revue de presse importante) – Les moutons enragés

    […] idée de leur projet…Sachant que Merkel obéit aux Etats-Unis, Hollande ne compte pas, et Renzi est considéré comme étant le « cheval de Troie de la JP Morgan ». Et bien sûr, dans ce « projet européen », Les Républicains ne sont pas […]

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