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Jan 25

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Glenn Greenwald : Comparaison des réactions d’Obama aux décès du roi Abdallah et de Hugo Chavez

Hugo Chavez fut élu président du Vénézuéla à quatre reprises entre 1998 et 2012. Il était admiré et soutenu par une large majorité de ses concitoyens, en grande partie grâce à sa politique d’aide aux plus pauvres. Le roi Abdallah fut un dictateur et un tyran qui dirigeait l’un des régimes les plus répressifs au monde.

Les éloges affectueux qui ont rempli les colonnes des médias et les déclarations des dirigeants occidentaux donnent véritablement la nausée ; le gouvernement du Royaume-Uni, qui se permet de donner tous les jours des leçons sur la démocratie au monde entier, a même ordonné de mettre les drapeaux en berne pour honorer ce monarque répugnant. Mon collègue Murtaza Hussain de The Intercept a écrit un excellent article sur ce spectacle, où il dresse une nécrologie en bonne et due forme [de ce despote]. 

Je voudrais seulement ici me concentrer sur un aspect en particulier : la comparaison entre la déclaration du président Obama prononcée en 2013 après la mort du président Chavez, et celle qu’il a formulée aujourd’hui suite à la disparition du souverain saoudien.

Voici la déclaration complète d’Obama sur Hugo Chavez (qui m’a été signalée par Sami Khan) :

Traduction : « En cet instant difficile qui fait suite au décès du président Hugo Chavez, les États-Unis réitèrent leur soutien au peuple vénézuélien ainsi que leur souci de développer une relation constructive avec le gouvernement vénézuélien. Au moment où le Venezuela ouvre un nouveau chapitre de son histoire, les États-Unis restent engagés dans une politique qui promeut les principes démocratiques, l’État de droit et le respect des droits humains. »

 

Maintenant, comparez ce texte avec celui diffusé aujourd’hui pour le roi Abdallah :

Traduction : « C’est avec un profond respect que j’exprime à la famille du roi Abdallah Ben Abdulaziz et au peuple d’Arabie Saoudite mes plus sincères condoléances personnelles et la tristesse du peuple américain.
La vie du roi Abdallah a embrassé une ère qui va d’avant la naissance de l’Arabie saoudite moderne, à son émergence comme une force essentielle au sein de l’économie globale, et comme guide des nations arabes et islamiques. Il a entrepris des pas courageux pour faire avancer l’initiative de paix arabe, un effort qui lui survivra comme une contribution durable pour la paix dans la région. Dans son pays, le roi Abdallah s’est consacré à la formation de son peuple et à un plus grand engagement vers le reste du monde.
Alors que nos pays travaillaient de concert pour affronter de multiples défis, j’ai toujours apprécié le point de vue du roi Abdallah, et je lui sais gré de son amitié authentique et chaleureuse. En tant que dirigeant, il a toujours été sincère et a eu le courage de ses propres convictions. L’une d’elles fut sa foi indéfectible en l’importance des relations entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite pour construire la force nécessaire à la stabilité et à la sécurité au Moyen-Orient et dans d’autres régions. La proximité et la solidité du partenariat entre nos deux pays font partie de l’héritage du Roi Abdallah.
Que Dieu lui accorde sa miséricorde.
»

 

Une différence évidente entre ces deux dirigeants est que Chavez a été élu, alors que le roi Abdallah ne l’a jamais été. Une autre différence est que Chavez utilisait les ressources pétrolières nationales pour essayer d’améliorer la vie des personnes les plus pauvres de son pays, tandis qu’Abdallah utilisait les siennes pour enrichir encore plus les oligarques saoudiens et les élites occidentales. Une autre différence est que la gravité des violations des droits humains et le militarisme d’Abdallah font que Chavez pourrait en comparaison apparaitre comme une sorte de Gandhi.

Mais quand on regarde les discours politiques et les médias occidentaux, la seule différence qui compte est que Chavez était un adversaire des USA, alors qu’Abdallah était leur fidèle allié : ce qui, du point de vue des médias US et britanniques, transforme le premier en un méchant monstre, et le second en un aimable symbole de paix, de réforme et de progrès. Prenons un exemple parmi tant d’autres : l’année dernière, le premier ministre britannique David Cameron –de fait, le plus cher et fidèle ami des dictateurs du monde entier après Tony Blair – s’est levé au Parlement pour répondre aux questions du député britannique George Galloway, et a lancé : « Une chose dont je suis sûr est que s’il y a un brutal dictateur arabe dans le monde, il bénéficiera du soutien de Galloway » ; hier soir ce même Cameron se déclarait « profondément affecté » et affirmait que le roi saoudien resterait dans les mémoires pour son « engagement en faveur de la paix et pour le renforcement de la compréhension entre les religions. »

Voilà pourquoi tout le monde, en dehors des chaines câblées d’actualité américaine, des think tanks de Washington, ou de la clique narcissique londonienne sortie d’Oxford-Cambridge (Oxbridge, dans l’article original, NdT) se moque ouvertement et traite par le mépris les États-Unis et le Royaume-Uni quand ces derniers se permettent de se poser fièrement comme défenseurs de la liberté et de la démocratie. Il n’y a que dans ces cercles marqués par le tribalisme, le chauvinisme et la propagande que l’on continue à prendre au sérieux et à avaler des balivernes aussi indigestes.

Glenn Greenwald

The Intercept, samedi 24 janvier 2015

Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr

 

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