La partie a débuté immédiatement, comme prévu. C’est Poutine qui a avancé le premier pion, en décidant que Kiev devra désormais payer avec deux mois d’avance le gaz qu’il reçoit de Moscou. À client morose (voire hostile), crédit zéro. Et à partir de début avril, le prix a augmenté de 80 %, atteignant les 485 $ par m3 de gaz.
Deux décisions autant politiques qu’économiques. L’Ukraine doit encore payer des arriérés à hauteur de 2,2 milliards de dollars. De surcroit, Poutine a annulé la ristourne de 100 $ chaque 1000 m3 que la Russie avait concédé jusque-là à l’Ukraine, en compensation du maintien de sa base navale de Sébastopol en Crimée. Maintenant que la Crimée est devenue russe, plus de remise sur les prix.
Mais tout n’est pas encore inscrit dans le marbre. Poutine a fait savoir qu’ « on pouvait discuter. » Les conditions restent posées, et si Kiev s’entête et continue de ne pas payer, Poutine ne pourra pas revenir en arrière sur ces conditions. La Commission européenne cherche maintenant un plan d’urgence. Si les frictions se transforment en conflit, la Russie pourrait fermer les robinets et l’Europe resterait alors à sec de gaz. Elle ne peut pas se le permettre. Kiev répond du tac au tac à Poutine en proposant de mettre ne place un « flux inverse », autrement dit, d’utiliser le gaz russe qui passe par la Slovaquie, la Hongrie et la Pologne. Mais ce trucage est interdit par les contrats déjà signés, et si quelqu’un en arrivait là, il devrait alors payer des pénalités et s’exposerait à des mesures de rétorsion.
Kiev pourrait aussi décider de bloquer tout le flux de gaz russe à destination de l’Europe qui passe par ses gazoducs. Mais peut-il vraiment le faire ? S’il passait à l’acte, il se mettrait à dos la plupart des consommateurs européens de gaz, qui prendraient parti pour la Russie contre l’Ukraine. Cela représenterait en outre une violation de tous les contrats signés par Kiev en 2009. Un beau bordel.
Qui paiera la facture de gaz ukrainienne ? À ce jour, personne ne le sait. Toutes les autres négociations politiques, la réforme de la Constitution, les référendums pour les autonomies et les souverainetés en projet dans les régions russophones de l’Ukraine, le statut des Russes d’Ukraine, tout cela dépend de l’issue de cette partie d’échecs.
Sur l’autre flanc, l’OTAN est pressée et veut s’approprier l’Ukraine sans perdre de temps. Nous allons vers un été dramatique, même si jusqu’au 25 mai (date des élections présidentielles), personne n’osera trancher ce noeud d’un seul coup d’épée.
Par Giulietto Chiesa
Dimanche 13 avril 2014
megachip.globalist.it
Traduction : ilfattoquotidiano.fr
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