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Avr 25

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Giulietto Chiesa : Arrivées massives de réfugiés, l’Europe doit agir à la source

Le journaliste italien Giulietto Chiesa revient sur les récents naufrages de réfugiés au sud de la méditerranée, qui ont fait plusieurs centaines de morts. Les vrais responsables de ces tragédies, c’est nous, les Occidentaux, avec nos guerres et nos méthodes impérialistes. L’Europe montre ici toute son hypocrisie et son impuissance face à ce flot de désespérés qui fuient les régions que nous, Occidentaux, avons ravagées. Il est urgent d’arrêter de nous mentir. Il est urgent d’agir.

YouTube – ilFattoQuotidiano.fr

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TRANSCRIPTION DE LA VIDÉO

Je ne crois pas que ces 700 morts supplémentaires, ou peut-être 900, suffiront pour réveiller l’Italie et l’Europe. Pourquoi sommes-nous impuissants ? Parce que nous sommes ignorants et hypocrites. Le problème que nous devons affronter est immense. Et en grande partie, c’est nous, Occidentaux, qui l’avons créé. Par "nous", de qui parle-t-on ? "Nous", nous sommes les "riches", même si nous sommes pauvres et démunis du point de vue intellectuel, politique, et moral. Si nous ne comprenons pas cela, alors nous perdons notre temps.

Je lis des commentaires, j’entends les gens se lamenter, s’arracher les cheveux, se faire des reproches, mais sans affronter le problème. Ceci n’est pas un accident ni un hasard, et ça ne s’arrêtera pas demain, ce n’est que le début d’un profond changement de nos vies, de notre avenir, celui de nos enfants. Nous le savons, depuis au moins 10 ans qu’ils seront toujours plus nombreux à arriver ici, et à mourir en route. Ils fuient les guerres que nous avons créées. La Libye et la Syrie sont là, sous nos yeux. Idem pour l’État islamique. Nous sommes les protagonistes de cette tragédie.
Ce sont les réfugiés de notre incapacité à comprendre le monde global que nous avons créé. Ce sont les réfugiés de la soif et de la faim. Notre manque d’organisation est dû à notre hypocrisie, nous faisons semblant, ou nous ignorons, car nous sommes des ignorants.

Car ce monde "global" qui multiplie ces tragédies, c’est notre monde, et cela empirera, tant que nous ne comprendrons pas que nous devons changer notre monde. Inutile de feindre la surprise ou la douleur si nous refusons d’admettre qu’il faut changer les mécanismes de notre économie qu’il faut mettre fin à notre impérialisme vis-à-vis de l’Afrique, et pas seulement l’Afrique. Tout cela prendra du temps.

On ne peut pas seulement dire "on verra".

Il faudra du temps, et des décisions extrêmement importantes, à commencer par celles sur le changement climatique, des investissements colossaux. Les solutions ne seront pas immédiates pour stopper ces exodes qui ont déjà tout de "bibliques". En attendant, il est urgent de s’organiser pour arrêter le carnage et surtout pour éviter que des milliers d’autres personnes ne meurent. Il est évident que toutes les opérations que nous, Européens, avons tentées, "Mare Nostrum", "Opération Triton" ne sont que des palliatifs qui montrent toute notre ignorance. Cela ne résout rien. On ne s’attaque pas à l’origine du problème.

Il faut agir immédiatement, c’est faisable.

Il faudra du courage et s’organiser pour bloquer ces navires avant qu’ils partent. Il faut stopper le processus à la source. On peut recenser les passeurs, les soumettre à des contrôles ou encore, couler leurs bateaux. Pour cela, il faut s’organiser pour savoir combien et où ils sont.
Nous devons ouvrir la chasse aux passeurs, aux criminels qui organisent ces exodes. Seule l’Italie a commencé, c’est faisable. Mettons en place des équipes de police qui collaborent avec les autorités locales mettent en place des activités d’enquête, de patrouille et de répression.
Cela permettrait, entre autres, de sauver des vies. Il faut le faire avec délicatesse, car cela signifie intervenir sur les territoires d’autres pays et il faut s’accorder avec les autorités locales quand elles existent. Parfois elles n’existent pas, suite à nos bombardements et nous devons alors nous substituer à elles, mais là encore, en respectant les normes sans essayer de passer en force et de frapper, chose que nous savons si bien faire.

Profitons de nos technologies dont nous sommes si fiers, les observations satellites, les patrouilles systématiques utilisant tous les moyens électroniques, et d’aide à la localisation en mer, sur toute la côte méditerranéenne, là encore, il s’agit de sauver des vies. Certains diront que nous repoussons ces centaines de milliers de désespérés, mais l’essentiel est d’empêcher qu’ils meurent, qu’ils se précipitent entre les mains de criminels profiteurs, et donc, les sauver. Il faut le faire immédiatement, avant qu’ils ne se lancent en pleine mer et donc, intervenir près de leurs côtes.
C’est faisable ! Mais pas tout seuls, c’est au-dessus de nos forces et de nos capacités d’organisation. Il ne s’agit pas seulement de l’Italie.

C’est là que l’Europe entre en scène.

L’Europe qui est engluée ailleurs, avec les nazis de Kiev elle n’a pas de temps à consacrer à ce qui se passe en Méditerranée. Cette Europe montre qu’elle est bien loin de constituer une communauté politique, et qu’elle n’est qu’une communauté de banquiers qui comptent leurs sous, ou plutôt leurs milliards. Sa crédibilité est à zéro, de l’aveu même du président du parlement, M. Schlulze, et les exercices de l’OTAN en mer baltique, ou en Pologne ne la relèveront pas.

Ce n’est pas cela, l’Europe que nous voulons et dont nous avons besoin. Tout cela ne nous sert à rien, pas plus que les sanctions contre la Russie.
Il nous faut une Europe totalement différente de celle-ci,  elle sera alors en mesure d’affronter les problèmes dont je parlais au début, par une politique italienne et européenne qui abandonne la logique impérialiste, qui a été la nôtre jusque-là en Afrique et au Moyen-Orient. Il faut agir, mettre la main au portefeuille, faire des investissements et non faire parler les armes, là où prolifèrent les crises humanitaires, sinon ils viendront ici, inutile de tourner autour du pot, et de faire semblant de ne pas comprendre.

Ils viendront et ils mourront. Tant d’autres viendront et franchiront la mer, et nous serons incapables de les accueillir. Il faut se préparer, c’est à nous de le faire. Eux ne peuvent pas, ils n’en ont pas les moyens. Nous, l’Occident, nous pouvons. Il nous manque l’intelligence et l’honnêteté de reconnaître nos responsabilités. C’est le moment de changer, après il sera trop tard. Trop tard pour nous, qui pouvons espérer passer l’année vivants, mais aussi pour eux, car leur soleil à eux, s’est déjà éteint.

Giulietto Chiesa
PandoraTV.it 

Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr

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