Giulietto Chiesa – Rome 22 février 2016 : L’auteur des lignes ci-dessous, publiées dans le Boston Globe, s’appelle Stephen Kinzer. C’est un "Senior Fellow" de l’institut Watson pour les Études internationales à l’Université Brown. C’est lui qui a inventé le terme de "journalisme sténographique", qui ne signifie n’est rien d’autre que la fin pure et simple du journalisme. Du moins, la fin du journalisme "décent", et sa transformation en simple propagande. Les peuples, rendus parfaitement ignares, et par manque d’alternatives, se contentent d’acquiescer.
"On peut pardonner aux hommes politiques quand ils déforment le sens de leurs actions passées. Les gouvernements peuvent aussi être excusés lorsqu’ils utilisent un discours qu’ils estiment utile pour eux. Mais le journalisme se doit de rester en dehors des cercles des élites au pouvoir et de leur fausseté intrinsèque. La crise actuelle a mis en lumière un échec total sur ce plan. On dit que les Américains sont ignorants du monde qui les entoure. Nous le sommes effectivement, de même que les peuples des autres pays. Si les Boliviens, ou les habitants du Bhoutan ne comprennent pas ce qui se passe en Syrie, après tout, cela n’a aucun effet réel sur les événements. Notre ignorance, en revanche, est bien plus dangereuse, car nous [les Américains – NdT] avons une influence sur ce qui se passe. Les États-Unis ont le pouvoir de décréter la mort de nations entières. Et ils peuvent le faire avec l’appui du consensus populaire, car la plupart des Américains – et parmi eux, les journalistes – se contentent de l’histoire qui leur est servie sur un plateau par les autorités. En Syrie, la "version officielle" dit : "Il faut combattre Bashar el-Assad, la Russie et l’Iran ! Unissons-nous avec nos amis turcs, saoudiens, kurdes pour avancer vers la paix !". Tout ceci est incroyablement éloigné de la réalité. Et il est très probable que cela a au contraire pour effet de prolonger la guerre et de condamner de nombreux Syriens à la souffrance et à la mort."
Giulietto Chiesa
Source ilFattoQuotidiano.it, le 21 février 2016
Titre original : "Un Americano consapevole"
Annexe : Article de Lantidiplomatico sur Stephen Kinzer
Stephen Kinzer, ex-envoyé spécial du New York Times : Les médias étasuniens induisent en erreur l’opinion publique sur la Syrie
Selon Stephen Kinzer, un vétéran du journalisme US, ex-correspondant du New York Times, les informations sur la Syrie sont dictées par Washington, sans tenir aucun compte des voix sur le terrain. "Un véritable scandale pour le journalisme," d’après le journaliste.
Stephen Kinzer, qui fut envoyé dans plus de 50 pays par le New York Times, dénonce "l’un des épisodes les plus honteux" de sa profession, au vu de la couverture totalement fallacieuse du conflit syrien et du rôle tenu par les différents pays impliqués. Son article paru dans le quotidien The Boston Globe décrit ce qui se passe dans et autour de la ville d’Alep : les militants des groupes armés antigouvernementaux sèment la dévastation en ville tandis que l’armée syrienne et l’Air Force russe les repoussent hors d’Alep, écrit Kinzer en se référant à des sources "de terrain".
Le journaliste mentionne le témoignage d’un habitant de la ville apparu sur les réseaux sociaux : "Les rebelles "modérés" protégés par la Turquie et l’Arabie Saoudite attaquent la périphérie de la ville avec des roquettes et des bombonnes de gaz." Le politologue libanais Marwa Osma affirme que les troupes de Damas constituent avec celles des Alliés l’unique force qui combat vraiment l’État islamique sur le terrain. Stephen Kinzer souligne le fait que les médias US n’écoutent pas, et ne mentionnent pas ces témoignages pourtant clairs.
"Cela ne correspond pas à la narration donnée par Washington," explique-t-il. "Le fait est que la plupart des médias nord-américains disent exactement le contraire de ce qui se passe effectivement sur le terrain. Les articles suggèrent qu’Alep était une "zone libérée" depuis trois ans, et qu’elle est aujourd’hui réduite à la misère," a ajouté Kinzer.
D’après le journaliste, le discours tenu au peuple américain consiste à dire qu’il vaut mieux combattre le gouvernement de Bashar el-Assad et ses alliés russes et iraniens. On leur fait croire que l’issue la plus souhaitable serait la victoire de la coalition rassemblant Américains, Turcs, Saoudiens, Kurdes et l’opposition modérée.
"C’est stupide, a lancé Kinzer […] mais ce n’est pas la faute des citoyens américains s’ils croient à cette version des événements en Syrie. Nous n’avons pratiquement aucune véritable information sur qui combat, les objectifs, les stratégies. Et la faute en revient en grande partie à nos médias."
"Vu la très forte pression financière, la plupart des journaux, magazines et chaines télé aux USA ont réduit drastiquement leurs équipes de correspondants à l’étranger. Une grande partie des nouvelles sur ce qui se passe dans le monde provient désormais de journalistes qui siègent à Washington," s’est plaint Kinzer.
"Dans ce contexte, l’accès aux informations et leur crédibilité dépendent de l’acceptation des paradigmes officiels. Les journalistes qui couvrent la Syrie sont amenés à avoir des contacts avec le Pentagone, le Département d’État, la Maison-Blanche et les "experts" des centres d’étude. […] C’est comme cela que se crée aux USA "une source unique" d’informations sur la Syrie," a conclu Kinzer.
Source : RT, repris en italien par LantiDiplomatico, 21 février 2016
Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr
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Stephen Kinzer, ex-journaliste du New York Times : Les médias US mentent sur la Syrie | Réseau International
février 25, 2016 à 11 h 16 min (UTC 1) Lier vers ce commentaire
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Ça sent le gaz… | jbl1960blog
mars 21, 2016 à 13 h 51 min (UTC 1) Lier vers ce commentaire
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