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Nov 15

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Marco Travaglio : Comment perdre la guerre contre l’Etat islamique

Comme l’a rappelé récemment Tony Blair, l’Occident a déjà beaucoup fait pour l’État Islamique (EIIL). Mais il peut faire encore plus, jusqu’à lui garantir la victoire finale, en adoptant quelques mesures simples que nous nous permettons de souffler aux gouvernements européens, et en particulier au gouvernement italien :

  1. […] Si les bombardements russes et français en Syrie ont rendu ces deux pays particulièrement impopulaires aux yeux du grand calife al-Baghdadi, amenant plusieurs milliers d’extrémistes fondamentalistes à se transformer en kamikazes, des titres de journaux comme celui de Libero « Islamisti bastardi », opportunément relayés par l’ensemble de la presse, permettront certainement d’acquérir tout les musulmans d’Italie à la cause de l’EIIL, y compris les quelques modérés noon-violents qui restaient encore.
  2. Confirmer la date et le lieu du Jubilée [le 8 décembre prochain] à Rome, plutôt que de le renvoyer à des temps meilleurs en signe de deuil et pour des raisons de sécurité : en effet, organiser la présence au même endroit… et au même moment de plusieurs millions de catholiques facilitera grandement le travail des poseurs de bombes en leur évitant de perdre une énergie et des ressources précieuses à les chercher partout dans le monde.
  3. Laisser à la tête du ministère de l’Intérieur Angelino Alfano, une véritable garantie de compétence, de sérieux et de rapidité de réflexion, autrement dit, d’ « Intelligence ».
  4. Continuer à payer à grands coups de millions d’euros ou de dollars les rançons pour faire libérer les otages italiens séquestrés par les organisations terroristes dans tout le Moyen-Orient, de façon à assurer à ces dernières les moyens nécessaires à leur subsistance.
  5. Continuer à vendre des armes à tous les États et toutes les milices existant dans le monde au travers de notre industrie de l’armement, véritable fierté et orgueil national, en fournissant à l’ennemi tout ce dont il a besoin pour mieux nous exterminer.
  6. Entretenir d’affectueuses relations diplomatiques et commerciales avec les Émirats du Golfe, bien connus pour leur financement du fondamentalisme islamique partout dans le monde, y compris au travers de missions officielles opérées aux plus hauts niveaux de l’État, accompagnées de grands entrepreneurs provenant entre autres du secteur de l’armement, aux cris de pecunia non olet. (L’argent n’a pas d’odeur)
  7. Faire la guerre à l’EIIL, mais en évitant de le faire directement par des moyens terrestres en impliquant le plus grand nombre de pays arabes possible, mais de manière parcellaire et par procuration, en armant (mal) les peshmerga kurdes et en bombardant l’État islamique avec des avions de chasse et surtout des drones télécommandés, de manière à faire le maximum de victimes civiles et le minimum de victimes parmi nos soldats, autrement dit, en provoquant le plus de fureur de [vocations] terroristes anti-occidentales possible, tout en obtenant le minimum de résultats au plan militaire.
  8. Soutenir, sur la base de l’astucieuse théorie du « moindre mal » des tyrans sanguinaires comme al-Sissi en Tunisie, el-Assad en Syrie [au moins jusqu’en 2012 – NdT] (et par le passé Kadhafi et Saddam Hussein) ainsi que des gouvernements fantoches totalement corrompus comme ceux créés en laboratoire et de nos propres mains en Irak, en Afghanistan, pour bien montrer aux populations locales ce que nous entendons par « exportation de la démocratie ».
  9. Rester de pied ferme en Afghanistan avec nos troupes d’occupation, après 14 années de massacres parfaitement inutiles, pour qu’il devienne clair à l’ensemble du monde islamique par qui ils doivent être gouvernés.
  10. Dénigrer, insulter et criminaliser tous les réfugiés en les assimilant à des clandestins, et en assimilant tous les clandestins à des terroristes potentiels, de façon à ce que tôt ou tard, tous les réfugiés et les clandestins sentent monter en eux une irrépressible vocation à devenir des terroristes.
  11. Éviter soigneusement les discours d’intégration, d’accueil, d’assistance, d’hospitalité, et d’entraide vis-à-vis de ceux qui fuient leur pays en proie à la guerre, au terrorisme, à la dictature ou à la famine ; et leur refuser mosquées, habitations, travail et traitement humain, pour éviter qu’ils aient quelque chose à perdre si quelqu’un venait à leur proposer de se faire exploser près d’un stade, dans un théâtre, un métro, un autobus, sur une place, en échange de la promesse tellement convaincante d’une multitude de vierges dans l’au-delà.
  12. Couper encore plus les fonds des forces de l’ordre, de police et de renseignement, et dans le même temps, tolérer les échanges avec les paradis fiscaux, et imposer toujours plus de limites aux écoutes téléphoniques et à la traçabilité de l’argent, pour rendre toujours plus difficile l’identification des terroristes et de ceux qui les financent, et toujours plus faciles leurs activités criminelles.
  13.  Réagir a la tragédie parisienne par la loi du Talion : « Oeil pour oeil, dent pour dent » afin de démontrer à tous ces millions de musulmans déjà enragés par toute cette propagande combien notre civilisation est pareille à la leur, et même pire.

Encore un petit effort et l’objectif final de perdre définitivement la guerre sera atteint. Allez, forza, on peut y arriver !

Marco Travaglio(*)

Source : version papier de il Fatto Quotidiano, 15 novembre 2015

Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr



Note de la traduction : (*) L’auteur de cet article, Marco Travaglio, est un des plus célèbres chroniqueurs italiens actuels, cofondateur du quotidien "il Fatto Quotidiano", juriste de formation,il participe à de nombreux débats télévisés pour commenter l’actualité, et s’attaque frontalement à la corruption dans le monde politique et judiciaire transalpin. 

 

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