« Nous devons être prêts à abandonner une partie de notre liberté. » Ce sont les mots prononcés hier par le procureur italien de la lutte antiterroriste, Franco Roberti. Une affirmation grave et sincère. La question ne concerne pas seulement Paris ; ceux qui le penseraient se bercent de douces illusions. Les événements parisiens du 13/11 marquent le début d’une nouvelle phase de l’histoire européenne, qui va voir la vie de millions de citoyens être radicalement modifiée.
C’est la guerre, même si c’est une guerre différente de celle à laquelle on s’attendait. Et la guerre plus vaste, celle qui se rapproche, sera également différente de l’idée qu’on peut s’en faire. L’Italie est aussi dans le collimateur. Le Jubilée [prévu à Rome le 8 déc. prochain- NdT] sera l’occasion de rencontres de masses, de rassemblements, de prières collectives. Il faudra beaucoup de vigilance… et d’attention, de la part des organes de police, mais aussi de la part de chaque citoyen.
Cela dit, ne nous arrêtons pas à l’apparence des choses et ne croyons pas que tout ce que nous voyons est vrai. L’extrémisme islamique est ce qui est visible. Mais il n’explique rien du tout. Ce n’est pas avec l’extrémisme islamique qu’on a bâti une armée – le fameux État islamique, ou EIIL – de 70 000 hommes. Il faut des ressources équivalentes à celles d’un État pour créer une telle puissance de feu, pour former des dizaines de milliers de combattants, et les expédier aux quatre coins du monde.
Ce qui est visible n’est qu’une infime partie de la réalité. Il est stupéfiant de voir que les dirigeants européens ne le disent pas. Mais peut-être savent-ils parfaitement que ceux qui dirigent vraiment cette machine à semer la terreur sont les mêmes que ceux qui l’ont créée, et qui ont donné naissance à cette espèce de « Spectre » dans lequel des États islamiques (alliés de l’Occident) coexistent avec les services secrets occidentaux, à commencer par services français, dont la mission est de veiller à la sécurité de leurs concitoyens.
Il convient de se pencher sur ce « Spectre », en grande partie occidental, c’est-à-dire issu des pays européens et des États-Unis. Ce sont eux qui ont créé le désastre libyen, et ceux égyptien, tunisien, yéménite, irakien. La guerre en Syrie a été voulue par l’Occident. Par conséquent, tout ce désastre est l’oeuvre aussi de l’Occident. Maintenant, François Hollande bombarde le fief de Daesh en signe de représailles. Mais cela ne servira à rien si la France ne cesse pas d’aider les rebelles syriens qui veulent abattre le régime de Bashar el-Assad. Et si les États-Unis ne font pas de même, ainsi que la Grande-Bretagne et la Turquie (voilà un allié de l’OTAN qui a été contribué de manière décisive à créer et à favoriser Daesh).
En deux mots : on arrêtera le terrorisme seulement en changeant la politique de l’Occident (et d’Israël) vis-à-vis du monde arabe. Sinon, ce seront les peuples européens qui paieront le prix fort. Il y a une immense masse de jeunes qui peuvent facilement être enrôlés et qui sont prêts à mourir pour tuer. Il faut arrêter la main de ceux qui financent.
Dernière minute : Poutine a révélé durant le sommet d’Antalya (Turquie) que l’argent servant à financer les terroristes de l’État islamique (EIIL) provenait de « 40 pays, et parmi eux, certains sont membres du G20. » C’est la thèse que je soutiens publiquement depuis bientôt quatre ans. Merci à Vladimir Poutine de l’avoir exposée publiquement, et surtout d’avoir eu la force et le pouvoir de le dire.
Giulietto Chiesa
Source : SputnikNews, le 16 nov. 2015
Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr
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