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Jan 04

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Massimo Mazzucco : Bilan 2015, de Charlie Hebdo au Bataclan en passant par la Syrie

L’année 2015 a débuté par les attentats de Charlie Hebdo au mois de janvier, et s’est conclue avec les attentats de Paris au Bataclan, au mois de novembre. En réalité, ces deux épisodes, extrêmement graves en eux-mêmes, forment simplement les contours de ce qui s’est passé cette année, à savoir, l’aggravation de la guerre en Syrie qui s’est transformée en quelques mois en un conflit de niveau international.

Il est naturellement impossible de séparer les deux choses – les attentats de Paris et la guerre en Syrie -, puisque toutes deux ont un important dénominateur commun, l’État islamique (EI). Pour démêler ce sac de noeuds, et donner un sens à l’année qui vient de s’achever, il faut comprendre les origines de l’EI, qui remontent officiellement à l’été 2014. L’État islamique, comme chacun le sait maintenant, est une création indirecte de l’Occident (USA et Grande-Bretagme en premier lieu, avec la contribution d’Israël au second plan), qui a été mise sur pied grâce… à l’allier numéro un des USA au Moyen-Orient, à savoir, l’Arabie Saoudite, et également l’aide de la Turquie et d’autres pays mineurs comme le Qatar.

Le véritable objectif de cette alliance sunnite n’est pas la Syrie, mais bien l’Iran, l’autre grande puissance moyen-orientale qui s’oppose aux Saoudiens. La Syrie (alliée historique de l’Iran) ne devait être qu’une étape, une marche de plus vers l’objectif majeur. Le plan initial des Américains prévoyait en réalité un renversement rapide de Bashar el-Assad, mené à bien grâce à l’habituelle horde de « rebelles », financés et formés par la CIA elle-même. Et pour pouvoir les organiser  et les supporter officiellement, la propagande occidentale s’est même inventé un oxymore digne d’entrer dans l’Encyclopédie : les « rebelles modérés ». Ils assassinent, oui, mais avec douceur. Il haïssent, mais avec compassion. Ils détruisent, mais seulement par nécessité. (En fait, ils sont tellement modérés que leurs chefs se délectent littéralement du coeur de leurs ennemis à peine tués).

Mais quelque chose n’a pas fonctionné dans le projet de renversement orchestré depuis 2012 par Washington. Assad s’est révélé être bien plus difficile à renverser que prévu, au point qu’il a été nécessaire de créer une troisième force – l’État islamique justement – pour bouverser les règles du jeu et mener à bien le sale boulot que les « rebelles modérés » n’avaient pas réussi à accomplir. Mais au moment précis où l’État islamique était sur le point de faire tomber Assad, voilà qu’entre en scène un nouvel acteur, Vladimir Poutine, qui a littéralement renversé la situation. Désormais l’EI représente les méchants, et automatiquement, sont qualifiés également de méchants tous ceux qui jusqu’ici faisaient semblant de les combattre : autrement dit, par une manoeuvre aussi simple que géniale, le grand joueur d’échecs qu’est Poutine a mis à nu sous les yeux du monde entier la tromperie perpétrée par les puissances occidentales à travers le « califat » artificiel d’al-Baghdadi.

Non seulement Poutine a fait cela, mais il est allé bien au-delà. Après l’affaire de l’avion russe abattu par les Turcs, il a aussi révélé au monde entier, images irréfutables à l’appui, le sale double jeu que mène Erdogan le long des frontières de son propre pays : pendant que d’un côté il fait semblant d’aider les Kurdes à combattre l’EI, de l’autre il finance ce même État islamique en leur achetant leur pétrole par milliers de tonnes chaque jour.

Mais quel rapport avec les attentats de Paris ? Il existe bel et bien, pour toute une série de motifs. Le premier est que les attentats de Paris (c’est-à-dire, au coeur de l’Europe) ont renforcé chez nous l’idée que l’EI était une organisation de féroces criminels, et qu’il fallait la combattre par tous les moyens possibles. Y compris en envoyant nos avions bombarder le territoire syrien, « là où se trouve l’EI ». (Naturellement, une fois que les avions ont franchi la frontière, personne ne sait vraiment ce qu’ils vont bombarder).

D’ailleurs, comme chacun sait, le « terrorisme islamique » est devenu depuis quelque temps déjà l’argument principal qui permet d’éroder petit à petit nos libertés et nos droits civils. Et rien ne pouvait mieux servir cet objectif que les attentats de Paris, « perpétrés par des terroristes de l’EI. »

C’est là que s’ouvre la vision plus globale de la situation, qui nous ramène au 11 septembre 2001. Aujourd’hui, quelque 15 années après cette date fatidique, l’Europe paie finalement l’addition pour tous les mensonges qu’elle a accepté d’écouter sur les attentats contre les Tours Jumelles. Nous qui combattons pour la vérité sur le 11-Septembre, répétons depuis longtemps déjà qu’il est essentiel que la vérité émerge sur cette tragédie, afin que des événements de ce genre ne puissent pas se répéter à l’avenir. Et au contraire, grâce à la connivence et au silence complice des journalistes dans toute l’Europe, nous nous retrouvons aujourd’hui à devoir affronter les conséquences d’un « terrorisme islamique » qui est maintenant arrivé sur le pas de notre porte.

Je le dis encore une fois, afin d’être bien clair : si les mensonges du 11-Septembre avaient été dévoilés à temps, par un simple travail journalistique parfaitement élémentaire, aujourd’hui le « terrorisme islamique » n’existerait plus, car personne n’y croirait plus. Au lieu de cela, voilà que nous devons nous faire fouiller de la tête au pied même pour aller écouter le Pape place Saint-Pierre. À  la plus grande satisfaction, évidemment, de tous les ministres de l’Intérieur, de tous les ministres de la Justice et de tous les préfets de police d’une bonne partie de l’Europe.

L’État policier qui existe depuis plusieurs années déjà aux USA – déguisé en démocratie « For the people and by the people » – est en train d’arriver aussi chez nous. Et cela, grâce à la lâcheté collective de tous les journalistes européens, qui n’est rien d’autre que la somme des lâchetés de chacun d’eux. Aucun de ces journalistes, aujourd’hui, ne peut faire semblant d’ignorer comment les choses se sont réellement passées le 11 septembre 2001, et par conséquent, chacun d’eux a sa part de responsabilité dans la situation où nous nous trouvons aujourd’hui.

L’autre grand événement qui a marqué de son empreinte l’année 2015 est l’échec de Tsipras et de sa tentative de libérer la Grèce de la tenaille de la finance internationale. Nous avons déjà discuté en détail de ce qui s’est passé en Grèce au printemps et à l’été de cette année : que l’on considère Tsipras comme un « traitre » vendu à l’ennemi, ou simplement comme quelqu’un qui a été contraint de faire les choix qu’il a faits, le résultat est le même : la petite nation hellénique a dû s’agenouiller sur l’autel des banquiers internationaux, et cela a servi d’avertissement à toutes les autres nations européennes qui pourraient à l’avenir être effleurées par l’idée de sortir de la monnaie unique.

Désormais la finance globale est la véritable patronne du monde, et nous pouvons seulement nous en vouloir d’avoir donné carte blanche, par notre vote, à tous ces politiques qui au cours des 20 dernières années nous ont amenés, silencieusement, mais consciemment, à ce piège mortel.

Un autre aspect intéressant de l’année qui vient tout juste de s’écouler est l’émergence des « scandales » FIFA-Blatter et Volkswagen. Dans les deux cas, la main des USA n’est que trop évidente : d’un coté ils ont cherché par là à frapper la Russie, en demandant l’annulation de l’assignation à la Russie du mondial de foot, et de l’autre côté, ils ont tenté ainsi d’atteindre l’Allemagne, qui s’est évidemment montrée bien trop réticente à appliquer les sanctions économiques contre cette même Russie

En somme, si nous devons tirer une conclusion, l’année 2015 a vu les États-Unis tenter désespérément de rester aux commandes du monde, en bougeant tous les pions à leur disposition, même les plus sales – sur l’échiquier international. Mais par chance (pour nous), ils ont trouvé en face d’eux un joueur d’échecs à la hauteur de la situation et bien préparé, qui les a empêchés, du moins jusqu’à ce jour, d’atteindre leurs objectifs.

Nous aussi, au niveau international, vivons une belle odyssée : avec ce leader fantoche au service des banques et des grands industriels, qui continue de nous vendre son optimisme parfaitement feint, nous risquons de payer une addition qui pourrait être sacrément salée. Et il est très probable que l’addition arrivera dans les 12 prochains mois (aussi parce que la Banque de l’Étrurie(*) n’est certainement pas la seule à risquer la faillite. Et au prochain épisode de ce genre, personne ne peut jurer que les rapports entre les citoyens et les banques resteront inchangés).

Nous pouvons donc à tout point de vue prévoir que l’année 2016 sera celle des grandes réponses, que ce soit au niveau national ou international. Cela dit, souhaitons que le monde devienne meilleur (comme le disent les optimistes de salon), ou du moins un peu plus équilibré, sensé, et aussi, peut-être, un peu plus à dimension humaine.

Massimo Mazzucco(**)

luogocomune.net, mercredi 30 décembre 2015 21h20

Traduction : Christophe pour ilFattoQuotidiano.fr


Notes de la traduction :

(*) En Italie, la Banca Etruria vient d’être déclarée en faillite et l’État italien a décidé de la "sauver" en séparant la partie saine du reste des actifs "pourris" au détriment de ses clients détenteurs d’obligations qui ont vu leur capital littéralement disparaitre corps et bien.

(**) Massimo Mazzucco est journaliste, cinéaste et bloggueur. Il a notamment réalisé le documentaire "11-Septembre : Le nouveau Pearl Harbour", véritable réquisitoire contre la version officielle des attentats du 11-Septembre et ses défenseurs, sous la forme de 50 questions simples qui attendent toujours des réponses.

 

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